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A.Lamarque : 17/07/2022



Interview Pierre Guyonnet Duperat : La stratégie RSE (durable et sociale) du Grand Prix de France


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Pierre Guyonnet Duperat a travaillé plusieurs années au sein de la FIA (Fédération Internationale de l’Automobile) dans la branche communication. En 2018, le retour d’un grand prix de Formule 1 en France se précise et il a l’opportunité de rejoindre le projet. ll voit alors s’ajouter à son rôle de directeur de la communication celui de directeur de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises).
Échange avec un acteur majeur de la RSE dans le monde du sport automobile.

Antoine Lamarque : Comment résumeriez vous la stratégie CSR/RSE du GIP ?

Pierre Guyonnet Duperat : Lors du retour du Grand Prix de France en 2018, les notions de RSE, en plus d’autres objectifs, ont été une grosse partie de la raison d’être du projet. C’était une condition, d’accord on ramène le grand prix en France mais n’oublions pas ces éléments-là. C'est à travers cette plateforme de la Formule 1 que l’on pourra porter des messages. C’est au travers du retour du Grand Prix de France et en intégrant ces notions-là qu’on pourra aussi à l’époque se dire que l’on peut donner un nouveau modèle aux grands événements sportifs. C’est un peu ça l’essence du projet. Cela a été intégré à l’organisation dès le début. La stratégie est globale et intégrée à l’ensemble des différents pôles du grand prix.

AL : Cette fonction de responsable RSE s’est ajoutée à vos fonctions de directeur de la communication, pourquoi avoir endossé ce rôle ?

PGD : Le GIP (Groupe d'Intérêt Public : permet à des partenaires publics et privés de mettre en commun des moyens pour la mise en œuvre de missions d’intérêt général, ndlr.) est une petite équipe d’une vingtaine de personnes à l’année. Au vu du développement des ces activités RSE, il fallait les coordonner mais on se considère tous comme le directeur de la RSE au Grand Prix de France. En effet, tout le monde a toujours ces notions-là en tête et cette volonté d'activer un maximum sur ces sujets-là. Un peu plus modestement, je suis coordinateur des ces parties. Je ne sais pas si c’est générationnel, si c’est famillial mais ce sont toujours des sujets qui m’ont intéressés. J’ai toujours été très en faveur de développer un maximum de choses sur ces thématiques.

AL : Comment est née votre sensibilité aux questions sociales et de développement durable ? Vos participations au Rallye Raid du 4L Trophy ont-elles eu un impact sur votre vision de ces sujets ?

PGD : Aujourd’hui, les questions de RSE sont centrales pour tous les business. De mon côté, c’est important pour moi de travailler dans un métier passion mais un métier qui permet de donner du sens. La Formule 1 et le sport sont de supers belles plateformes pour donner du sens à ce que l’on fait. Le 4l trophy, mes nombreux voyages, mon expérience auprès de Jean Todt (ancien président de la FIA, ndlr.) ou faire le tour du calendrier de la Formule 1, comme j’ai eu l’opportunité dans le passé plusieurs fois, m’ont amené à réfléchir à ces choses-là et ça donne envie de mettre en application des idées que tu peux avoir sur ce type de problématiques.


source : Photo Steven Tee/Lat Images

AL : Pour quelles raisons (managériales) n’y a-t-il pas un pôle dédié au développement durable et social au sein du GIP ?

PGD : C’est une question d’organisation. Chaque directeur à cette volonté-là et intègre cette dimension dans son cahier des charges, dans son périmètre qu’il a au Grand Prix de France. À partir de là, on est plus dans un esprit de coordination. Il y a des expertises propres à chacun. Par exemple, des personnes aux opérations ont des expertises très fortes sur l’énergie, la logistique et on a aussi des personnes en charge de la mobilité qui ont des expertises très particulières. L’avantage d’avoir ces expertises-là c’est qu’on va plus loin dans ces choses-là; plutôt que d’avoir une personne totalement déliée qui va peut-être être trop vague et pas assez intégrée dans les autres dimensions. Finalement, on n’a pas besoin d’un pôle dédié à ça car c’est incrémental à chaque pôle. J’ai du mal à imaginer des systèmes managériaux où cette dimension RSE n’est pas intégrée au sein du salarié. Ce sont des questions centrales qui animent ton quotidien professionnel et personnel.

AL : Suite à l’obtention de la certification environnementale trois étoiles, Eric Boullier a déclaré : “L’obtention du plus haut niveau de certification environnementale de la FIA récompense un travail mené depuis plusieurs années. Cela fait du Grand Prix de France, le premier organisateur de Grand Prix à obtenir cette certification et est une reconnaissance importante pour notre organisation.” Combien de temps vous a pris cette démarche ? Quelles ont été les grandes étapes du projet ?

PGD : L'obtention de cette accréditation a pris un an. La première problématique était sur l'image de marque. On avait intégré cette dimension RSE dans l’intégralité de l’organisation mais parfois la Formule 1 et la dimension RSE peuvent paraître complètement antinomiques. Le but n’était pas de réaliser des opérations à des fins de communication et après se faire taper sur les doigts. La question que l’on s’est posée est : comment on peut justifier aujourd’hui nos actions en termes de RSE. La première instance à convaincre c’est l'accréditation FIA trois étoiles. On a été évalué sur toutes nos actions d’organisateurs. Lors de notre audition, on a sorti le Paul Ricard du champ d’analyse car le circuit est déjà trois étoiles FIA. L’audit a donc porté sur comment on était structuré pour traiter ces choses-là. Il a fallu faire un gros travail de synthèse, de compilation et d'analyse de données pour savoir à un moment donné où on en est puis définir nos objectifs. Le premier indicateur est la tonne de CO2, l'empreinte carbone. C’est se dire : comment on produit et comment on peut diminuer ça ? Ce fut le premier travail. On a été accompagné par la FIA et indirectement par la stratégie “Net Carbon” 2030 de la Formula 1 (plan de développement durable la Formule 1 visant à réduire son empreinte carbone à zéro d'ici 2030, ndlr.). Ensuite, on s'est positionné pour voir où on en était. Quand on a fait le bilan de tout ça, on a pu présenter ces documents à un auditeur complètement indépendant . Il a dit qu’on remplissait beaucoup de critères qui font de nous un organisateur trois étoiles pour la FIA sur tout ce qui concerne l’organisation du Grand Prix. On a aussi intégré une dimension qui est très peu voir pas du tout prise en compte dans l’empreinte carbone des grands événements sportifs, c’est le déplacement des spectateurs. (https://www.gpfrance.com/informations-pratiques/comment-venir/)


source : FIA

AL: Reste-t-il encore des progrès à accomplir dans votre démarche RSE ? Existe-t-il encore des défis RSE au sein de l’organisation du Grand Prix de France ?

PGD : On est au début de la démarche. l'accréditation salue le début du travail que l’on a mené mais on peut toujours mieux faire. De toute façon, l’objectif est de toujours mieux faire. Chaque année, on a des évolutions sur des détails qui deviennent des micros détails mais on a toujours cette volonté d'aller plus loin. Ça peut être aussi d’aller chercher d'autres certifications comme la norme ISO 20121 (https://www.iso.org/fr/standards.html) (Formule à l’échelle internationale qui décrit la meilleure façon de faire. Que ce soit pour la fabrication d’un produit, la gestion d’un processus, la prestation d’un service ou la fourniture de matériel, les normes couvrent un large éventail d’activités comme la norme ISO 20121. C’est la norme internationale pour les événements durables, ndlr.) pour encore améliorer nos process et aller encore plus loin sur le sujet. C’est, comment on réduit un maximum notre empreinte carbone voir comment arriver à la neutralité carbone. Il ne faut pas oublier le côté social car, pour nous, le social est aussi important que l’éco-responsable même si le monde médiatique en parle moins.

AL : L’engagement RSE du Castellet a-t-il joué un rôle dans votre choix du circuit pour la tenue du Grand Prix de France ?

PGD : Le retour du Grand Prix s'est fait par l’impulsion de Christian Estrosi qui était alors président de la région sud avec la création d’un GIP avec des collectivités de la région et un acteur privé qu'est le circuit Paul Ricard. À ce moment, il n’y a donc pas eu d'histoire de choix de circuit ou non parce que le circuit est membre du GIP.


source : AutoHebdo

AL : Ces éléments RSE sont-ils aussi au centre du choix de vos autres partenaires ?

PGD : On intègre des critères de notation forts sur la partie RSE dans nos marchés publics. Il est clair que cette notion-là est très importante pour nous et nos prestataires le savent. Ils sont aussi imbriqués dans cette démarche et ils poussent forts sur cette thématique.

AL: Ces efforts RSE ont-ils un poids dans les négociations pour le futur contrat avec la Formula 1 (détenteur des droits commerciaux)?

PGD : Pour le renouvellement des contrats, cette notion-là sera une condition sine qua non du renouvellement de contrat. Sur quel critère, ça je ne sais pas. Est-ce que ce sera l'accréditation FIA ? Est-ce que ce seront les normes ISO ? Pour le moment, il y a un cahier des charges FOM (Formula One Management : ensemble d'entités chargées par la FIA de la promotion, de la diffusion et du management des épreuves de Formule 1, ndlr.) transmis aux organisateurs de grand prix. Aujourd'hui, on le respecte fort et on est même en avance. On est le premier au monde sur ces sujets-là.

AL : Quelle institution vous sert de référence pour guider vos démarches : FIA/Formula 1 (programmes de certification par exemple) ou l’état (Charte des 15 engagements éco-responsables des événements sportifs par exemple) ?

PGD : C’est l’intégralité de nos parties prenantes. Il y a une stratégie dictée par Formula 1, il y a un programme FIA, il y a la charte et on est en contact avec le DIGES (Délégation Interministériel aux Grands Événements Sportifs) sur ce sujet-là et il y a aussi la charte du circuit Paul Ricard. Nous, on prend l'intégralité des éléments des parties prenantes environnantes à la fois en Formule 1, à la fois dans le milieu des grands événements sportifs pour en faire une synthèse globale pour garder les meilleurs pratiques.

AL : En se centrant maintenant sur la partie sociale, vous avez récemment réalisé une collaboration avec l’association Du sport et plus, en quoi consistait cet événement ? Quels ont été les critères de choix de l’association ?

PGD : Nous n’avons pas de critères. Nous avons cette envie de collaborer avec toutes personnes ayant de beaux projets et notamment ce que fais Du Sport et plus. Eric Friedrich, le président de l’association, nous a contactés et il a paru complètement naturel de collaborer avec lui. En plus, fait particulier, Margot Laffite est marraine de l'association donc il y avait déjà une base de passion autour du sport auto. Nous avons mis à la disposition d’Eric notre plateforme “F1 Discovery Kids” (Deux conteneurs pour des animations avec simulateurs , des ateliers sur les métiers de la Formule 1, des messages sur la sécurité routière et l'éco-responsabilité) pour aller faire découvrir la Formule 1 auprès des enfants malades. L’opération a donc eu lieu en Juin avec l’association Du sport et plus, Margot Laffite et l'hôpital Aix-Pertuis. C'est posé ensuite la question de comment aller plus loin avec la présence d’enfants malades lors du grand prix. On va donc permettre aux spectateurs d’acheter une Alpine miniature. Il y aura ensuite un tirage au sort sur sur ces achats et on pourra gagner une vraie Alpine A110 d'occasion. Les bénéfices de cette opération seront reversés à Du sport et plus.

source : Grand Prix de France

AL : Quels seront les temps forts RSE lors du Grand Prix de France 2022 ?

PGD : La première opération à noter est celle sur les Alpines miniatures dont je viens de parler. Sur la partie éco-responsable, elle est incorporée à l'événement dont le tri des déchets avec des messages à destination du public, l’objectif paper free (sans papier, ndlr.) pour limiter l’impact du papier avec la fin des dépliants spectateurs cette année… Il y aura aussi une greenteam qui est une équipe de volontaire qui passera en tribune pour rappeler aux gens qu’il y a un système de tri par exemple. Sur le social, suite aux demandes de diverses associations, on a invité des dizaines d’enfants malades et des personnes à mobilité réduite. Lors des Grids Kids (Leur rôle est de d’animer la grille de départ, de présenter le numéro de course et de participer lors des cérémonies de remise des prix, ndlr.), on en aura deux qui seront des robots avec des enfants malades (robot type visioconférence avec une caméra pour que l’enfant malade voit la scène et un écran pour qu’on voit l'enfant, ndlr.) pour faire vivre un moment unique lors de la cérémonie de départ et d'ouverture du Grand Prix.


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